À première vue, on pourrait croire que tout ce qui est « ancien » est obsolète mais détrompez vous, les appareils photos argentiques peuvent vous permettre des résultats photographiques étonnants et singuliers.
1 - Photogénique de tous les temps
La génération Y a très peu connu l’époque des appareils photographiques argentiques, si ce n’est les appareils jetables achetés par les parents pour les voyages scolaires à la montagne.
Les utilisateurs d’appareils argentiques font preuve de patience car à l’opposé du numérique, on ne découvre ses photographies qu’après les avoir développées. Avec un appareil argentique, on ne parle pas directement d’impression mais de développement c’est-à-dire on restitue l’image fixée sur une pellicule argentique puis sur du papier, en passant successivement par différents bains chimiques qui fixent les couleurs, la stabilité et la tenue dans le temps des images.
Le nombre de clichés est d’ailleurs restreint et on ne peut les supprimer.
Notre regard est soumis à une certaine rigueur qui nous incite à faire des choix.
On décide de faire une photographie quand quelque chose attire notre œil. La philosophie de l’argentique est ainsi bien différente de celle du numérique.
2 - Des avantages non négligeables
Tout d’abord, le fait que l’appareil fonctionne le plus souvent sans batterie est important mais l’argentique permet surtout une bien meilleure impression. Elle offre de l’inattendu spontané, elle permet d’avoir un rendu supérieur au numérique.
La différence de performance entre argentique et numérique repose sur la qualité du point élémentaire obtenu sur l’émulsion argentique. Le point élémentaire est de taille bien inférieure au pixel numérique, autrement dit à égalité de surface exposée un film argentique contient plus d’informations que la même surface par acquisition numérique.
En s’adressant à un professionnel de l’imagerie médicale, utilisant des films argentiques et des images numériques, il nous dit :
« Un moniteur pour mammographie numérique doit avoir plus de cinq millions de pixels pour être potentiellement concurrentiel avec une mammographie sur film argentique. Au de-là de cette limite de cinq millions de pixels, l’œil humain ne fait pas la différence entre les deux supports : argentique et numérique. »
3 – Drôle d’impression
L’impression argentique est laissée de coté par les laboratoires photographiques qui privilégient les impressions numériques.
L’argentique crée des images par procédés chimiques, avec diverses étapes de transformations.
L’image est fixée, puis, à partir du négatif développé, on peut se focaliser sur son impression.
On parle de développement et non réellement d’impression.
Cette technique argentique permet à partir d’un négatif, de reproduire plusieurs fois une même image,
de différente manière.
Avec l’agrandisseur, on peut agrandir ou réduire la taille de l’image, comme en numérique. Il suffit d’éloigner ou de rapprocher la tête de l’agrandisseur, pour faire varier les dimensions. De-là, on s’entoure des outils nécessaires : des bacs, des solutions chimiques, d’un compte-pose1 et d’une lampe inactinique2. (Voir lexique)
3 – Impression argentique délaissée…
Où trouver le papier argentique ?
Bien, ce n’est pas si simple, il faut se rendre dans un magasin spécialisé.
Une explication à cela, le choix de papiers argentiques se réduit de plus en plus pour laisser
une plus grande place au numérique. Le numérique nécessite moins de préparation et de temps pour imprimer, ce principal argument qui est de taille accentue la réduction de la production de papiers argentiques. La reproduction des images sur du papier argentique, nécessite de la patience
car il faut attendre que l’image se fixe sur le papier.
Les passionnés d’argentiques trouvent des alternatives à cela, soit ils font appel à un professionnel pour le développement et l’impression de leurs photographies, soit ils s’organisent un atelier chez eux pour le faire eux-mêmes.
Le temps nécessaire pour choisir les contrastes, équilibrer la balance des blancs nécessite de leur part une patience délicate et un dosage maitrisé des réactifs chimiques. L’erreur peut s’inviter à tout moment, mais elle crée des imprévus qui peuvent être autant dévastateurs que bénéfiques. Dans le jargon, on dit qu’une photo est « brûlée » si celle-ci est restée trop longtemps immergée dans un bain chimique.
C’est pourquoi, de nombreux studios argentiques privilégient une impression de photographies numériques
car le traitement de ces dernières s’effectuent sur ordinateur avec un logiciel de retouches
où l’on peut revenir en arrière à tout moment.
4 – Papiers d’impressions
Comme un graphiste, qui choisit ses papiers pour imprimer ses créations, les passionnés d’argentique, s’efforcent de chercher des papiers différents : papier noir et blanc, papier couleurs, où les caractéristiques de ces derniers apportent une impression et un ressenti différent. Le choix du papier est important
pour émouvoir le spectateur qui va découvrir les photographies.
En se rendant chez Photo St Pierre, à Nantes on découvre une multitude d’appareils, des accessoires
pour développer ses photos et également différents papiers. Certains sont maintenues au frais dans des réfrigérateurs car ils doivent être conservés à des températures basses pour protéger les composants chimiques qu’ils contiennent.
Il existe différents papiers comme les papiers Résine Couché dit RC qui selon la couche de résine apposée permet des rendus différents. Ce papier plastifié à développement permet d’écourter les temps de traitement, il est utilisé par les amateurs, les artistes, ou la presse. C’est le papier de base.
Il existe en différentes versions, mat, satin, brillant ou velours.
Le papier Baryté3 est utilisé pour les photos noir et blanc où les contrastes et les tons sont d’une qualité irréprochable. La durée de conservation est excessivement longue dans le temps de 75 à 200 ans.
Il existe également un large choix de papiers plus créatifs comme un papier qui modifie les couleurs
en fonction de l’intensité de lumière. Un vert devient un violet cela apporte une singularité dans
la photographie. Une poésie dynamique s’instaure aléatoirement selon la lumière présente
au moment de la prise de vue.
Étant donné la diminution des choix de papiers argentiques et la hausse du prix de ces derniers,
les professionnels pratiquent toujours la photographie argentique mais se tournent vers l’impression numérique de photographies argentiques car l’impression numérique propose des papiers proches de ceux utilisés pour l’impression argentique.
5 – De l’organique au numérique
Existe t-il une technique
qui combinerait l’argentique et le numérique ?
Oui, ça existe, en numérisant à haute résolution le négatif argentique, on obtient son image en pixels sur ordinateur. Le négatif devient virtuel et manipulable, il devient imprimable sur presse numérique
et on peut l’agrandir plus rapidement à la taille que l’on souhaite et intégrer la photo dans un masque d’écrétage4 par exemple.
Il conserve sa qualité argentique et bénéficie de la qualité d’impression numérique c’est ce que le Studio Ah permet de faire à Nantes. Le Studio Ah travaille les photographies argentiques de ses clients,
les numérisent, les retravaillent sur ordinateur et les impriment sur leur presse numérique.
De même, le Studio Ah travaille des photographies numériques et s’entoure également de photographes passionnés d’argentique sur certains projets comme Emmanuel Ligner qui lui mélange impression argentique et numérique. Ainsi, ressort dans son travail des contrastes intéressants principalement
dans ses photographies en noir et blanc.
6 – Imagination débordante et innovante
On peut hybrider les deux méthodes afin d’alterner avantages de l’un et limiter les inconvénients de l’autre.
Il y a énormément d’étapes intermédiaires, c’est-à-dire certains artistes vont mêler les deux en pratiquant la pictographie.
Cette technique a un but communicatif qui permet de dessiner de manière standardisée en éliminant
certains détails de la photographie. Ainsi, les artistes n’hésitent pas à revenir directement sur l’image et redessiner certaines parties. On doit faire des choix selon ce que l’on souhaite montrer.
Emmanuel Ligner, lui, est un artiste nantais qui, pourrait-on dire fait des expériences et ainsi on peut le considérer comme un photographe différent :
Il mèle plusieurs techniques pour ses réalisations, il peut jongler du numérique, au chambre photographique grand format et aussi à la caméra obscura5… Sa série de clichés appelée « L’appartement » a été réalisée en 2013 à Nantes, au Sillon de Bretagne dans un appartement loué dans l’immeuble. « Le but de son travail était de « faire vivre un appartement au rythme du quartier».
Pour cette réalisation, Emmanuel Ligner va entièrement ré-investir le lieu, avec une scénographie particulière et une mise en lumière pour chaque pièce. Chaque espace a une couleur prédéfinie qui donne ainsi un sens à la photographie argentique : du noir pour la prise de vue, du rouge pour le laboratoire, au fond une salle de projection et les portraits accrochés aux murs.
L’appartement sert d’atelier mais c’est également le lieu d’exposition des clichés qu’il révèle dans ces lieux.
Ce photographe nantais peu commun utilise une chambre photographique (10 x 15), du papier
positif Baryté4, et différents bains de chimie. Curieux mélange d’ingrédients qui attestent sa sensibilité dans ses photographies.
L’impression argentique est une technique qui perdure car elle offre des possibilités très intéressantes.
Elle a certes ses inconvénients et ses limites mais son utilisation offre une qualité et un rendu supérieur.
L’impression argentique trouve ainsi sa place au plus près du numérique car les deux s’hybrident pour des expérimentations des plus singulières.
Lexique :
1- compte-pose : qui permet une précision exacte du temps qu’a passé un papier dans un bain chimique aux sels d’argents par exemple
2- lampe inactinique : elle permet de ne pas travailler dans le noir total, la lumière rouge émise ne dérange pas l’impression des images. Le papier y est insensible.
3- masque d’écrêtage : Un masque d’écrêtage est un objet dont la forme masque les autres illustrations, rendant ainsi visibles seulement les zones contenues dans les limites du masque
4- papier Baryté : papier industriel à développement au sulfate de baryum,
5- caméra obscura : est une boîte opaque dont une face est translucide (verre dépoli, papier calque)
et dont la face opposée est percée d’un petit trou appelé sténopé, c’est l’ancêtre de l’appareil photo
6- sténopé : petit trou percé dans une plaque très mince, faisant office d’objectif photographiqueSitographie :
Objectif Argentique, http://objectif-argentique.com/laboratoire_photo.php consulté en Novembre 2014
Argentique, Blog Journal de Charlotte, http://charlottebocquet.com/journal/photographier-en-argentique/ consulté en Novembre 2014
Pourquoi faire de l’argentique ?, SHOTS, Harvey, 19/12/12, http://www.shots.fr/2012/12/19/pourquoi-semmerder-a-faire-encore-des-photos-argentiques/ consulté en Novembre 2014
5 Photographes expliquent…, écrit par logomachie france,15/10/13, http://www.lomography.fr/magazine/lifestyle/2013/10/15/5-photographes-expliquent-pourquoi-ils-utilisent-largentique consulté en Novembre 2014
Initiation Développement, Focus Numérique, http://www.focus-numerique.com/test-1493/retouche-initiation-developpement-films-argentique-presentation-caracteristiques-1.html consulté en Novembre 2014
NÉGATIF PLUS, http://negatifplus.com/info/le_laboratoire consulté le 28/11/14
Photo Saint Pierre, http://www.photo-st-pierre.fr consulté le 13/11/14
STUDIO AH, studio nantais de création, http://www.studioah.fr/impression_fineart/ consulté en 2/12/14
PAPIERS, site marchand, magasin à Limoges, http://selenium-store.com consulté le 17 /01/15
Le papier baryté, GRALON, http://www.gralon.net/articles/photo-et-video/photo-et-video/article-le-papier-baryte—presentation-et-evolutions-3270.htm consulté le 18/01/15
CYBER LA PHOTO, site marchand, http://www.cyberlabophoto.com/4-papier-photo-rc consulté le 18/01/15
ATELIER BARYTÉ, Le papier Baryté, Anonyme, 10/05/2014, http://atelier-baryte.com/category/papier/papier-baryte/ consulté le 18/01/15
Professionnels :
Photo Saint Pierre – Nantes
Studio Ah – Armelle Hiance (et Emmanuel Ligner) – Nantes
IRSA Radiologie – Philippe Dussouil – La Rochelle
Crédits Photos :
Appareil argentique : PERKEO II – Voigtländer – Nicolas Dussouil
Dessins aux marqueurs et aux crayons : argentique et lomographie – Louis Asselin
Dessins sur illustrastor : développement des négatifs – Jean-Baptiste Landreau
Dessin aux pastels secs : appareil numérique – Marianne Guidou
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